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Des romans, encore des romans, toujours des romans.

Bouquinivore

Ce qui a dévoré nos coeurs

Ce qui a dévoré nos coeurs

 

Considérée par nombre de lecteurs, médias et auteurs comme une des plus grandes figures de la littérature américaine, Louise Erdrich a écrit une quinzaine de romans parmi lesquels The painted drum, publié en 2005 aux États-Unis. En France, il paraît deux ans plus tard chez Albin Michel sous le titre Ce qui a dévoré nos coeurs et rejoint ainsi la longue liste des romans au titre malmené par la traduction. Née d’une mère ojibwé, l’auteure a fait de l’histoire amérindienne son sujet de prédilection et nourrit ses oeuvres de coutumes et de croyances ancestrales.

Un roman envoûtant, magique et musical, qui bat au rythme de la douleur des êtres, mais aussi de leurs espérances.

André Clavel pour L’Express

Ce qui a dévoré nos coeurs est une fresque incarnée, un hymne à tous les morts qui accompagnent les vivants.

Christine Ferniot pour Télérama

 

“On sait que les tambours guérissent et qu’ils tuent.”

Alors qu’elle fait l’inventaire d’une succession, Faye découvre toute une collection d’objets indiens de grande valeur, et en particulier un grand tambour peint. Immédiatement, elle sent que cet instrument, pourtant oublié là parmi tant d’autres, est bien plus qu’un simple objet. Mais c’est sa mère, d’origine ojibwé, qui lui racontera le pouvoir des tambours et la grande responsabilité de leurs propriétaires… Ensemble, les deux femmes tentent de remonter aux origines de l’instrument et apprennent peu à peu son histoire.

 

Cette première lecture de Louise Erdrich m’a envoûtée. L’auteure mêle joliment ésotérisme à l’améridienne et pragmatisme à l’occidentale dans une histoire ample et belle, même si certaines fautes et maladresses m’ont poussée à m’interroger sur la qualité de la traduction.

Le tambour (objet central du roman, même s’il a été évincé du titre lors de sa traduction) fait son entrée très modestement dans le récit. Au début, on passe dessus parmi d’autres objets. Cela dit, il bénéficie déjà d’une aura particulière en faisant l’objet d’une phrase à lui seul :

“Il y a aussi des objets plus volumineux enveloppés dans de vieux couvre-lits et des tapis de selle. Nous les dévoilons aussitôt - un porte-bébé pas aussi beau que le mien, de larges vans en écorce de bouleau, un étrange repose-pied brodé de perles. Un tambour. Les valises renferment quelques précieux échantillons…”

 

Très vite, le tambour devient un personnage à part entière, tant il est le centre du récit et semble vivant. Lorsque la famille de son créateur est retrouvée, c’est toute son histoire qui se déploie ; l’on quitte alors la société moderne pour remonter plusieurs générations plus tôt, à l’époque où certaines croyances conféraient à la nature, aux animaux et à certains objets une vibration, un pouvoir. Je n’en dévoile pas davantage pour ne pas rompre le charme de cette lecture - charme d’ailleurs fâcheusement entamé par ce que je pense être, je l’ai dit plus haut, une médiocre traduction ; mais comme je ne suis pas (encore) bilingue ni même spécialement à l’aise en anglais, je n’ai pas pu aller vérifier par moi-même d’où venait exactement ce problème de langue qui, à force, m’aurait presque détournée du récit pour m’attacher à sa forme, ce qui n’est absolument pas le but d’un roman...

L’auteure nous raconte l’histoire des personnages qui gravitent, parfois malgré eux, parfois sans le savoir, autour du tambour. La sage et placide Faye, le ténébreux Kurt Krahe, l’impulsive Anaquot, etc. Certains nous sont contemporains, d’autres ont baigné dans la spiritualité indienne plusieurs dizaines d’années auparavant. Les histoires se succèdent comme d’étranges allers-retours dans le temps le long d’un seul et même fil. Le tambour, lui, traverse les époques, quelquefois oublié, perdu, mais toujours retrouvé car intimement lié à la famille au sein de laquelle il a été fabriqué. Ses pouvoirs, immenses, ambivalents, font de lui un instrument craint, respecté, utilisé uniquement selon un rituel strict.

 

“Le tambour est l’univers. Ceux qui prennent place de chaque côté représentent les esprits qui siègent aux quatre points cardinaux. Un tambour peint, en particulier, est considéré comme un être animé que l’on doit nourrir à la façon dont le sont les esprits, en posant à côté du tabac et un verre d’eau, parfois une assiette de nourriture. Un tambour ne doit jamais être posé par terre, ni laissé seul, et doit toujours être recouvert d’une couverture ou d’une courtepointe. On sait que les tambours guérissent et qu’ils tuent. Ils ne font plus qu’un avec leur gardien. Ils sont construits pour d’importantes raisons par des gens qui rêvent les détails de leur facture.”

 

J’ai d’autant plus apprécié cette histoire que rares ont été mes lectures sur le thème de la culture amérindienne. Louise Erdrich réussit à donner au tambour une aura folle, grandissante à mesure que le récit avance. J’ai en revanche trouvé regrettables les défauts de style et de rythme de la narration, qui empêchent de se plonger tout à fait dans l’histoire. C’est dommage, mais ce roman reste à découvrir.  


 

Camille Arthens

 

Ce qui a dévoré nos coeurs, par Louise Erdrich - Albin Michel

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