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Des romans, encore des romans, toujours des romans.

Bouquinivore

No home

No home

 

Dans la catégorie des romans importants, ceux qui dénoncent des comportements et abordent la question de la mémoire collective, j’ai nommé le premier (et pour l’instant seul) roman de Yaa Gyasi : No home (titre original : Homegoing), sorti en 2017 en France aux éditions Calmann-Levy. La jeune américaine, d’origine ghanéenne, a eu à coeur dans son récit de raconter une ample histoire du racisme en parlant de son pays, le Ghana. Son ambitieux roman a rencontré un franc succès tant auprès du public que de la critique.

Il y a les bons, il y a les beaux, et il y a les grands livres. Ceux qui émeuvent et instruisent, et puis ceux, bien plus rares et précieux, qui ont en eux la force de changer notre manière d'appréhender la complexité de ce drôle de monde. No Home, le premier roman de la Ghanéo-Américaine Yaa Gyasi, appartient à cette seconde catégorie.

Estelle Lenartowicz pour L’Express

 

Généalogie de la ségrégation

Esi et Effia sont nées de la même mère dans deux tribus différentes, à l’époque du commerce triangulaire. Effia grandit chez les Fanti et quitte sa famille pour épouser un Anglais, Esi naît chez les Ashantis et est envoyée très jeune en esclavage aux Etats-Unis. D’une génération à l’autre, le lecteur suit leurs descendants sur trois siècles, d’un bout à l’autre du monde.

 

J’ai au début été surprise de découvrir que chaque chapitre de ce roman est consacré à un nouveau personnage, et même à une nouvelle génération. No home est un récit qui se déploie dans le temps et dans l’espace, rassemblant un grand nombre de personnages qui font chacun une brève apparition avant de céder la place aux suivants. Vous l’aurez deviné, c’est un roman très dense, très ambitieux, qui s’attache avec ampleur à la question de l’héritage de l’esclavage.

C’est en visitant le Fort de Cape Coast au Ghana que Yaa Gyasi a appris que les militaires britanniques qui vivaient là épousaient des Ghanéennes tout en faisant le commerce des esclaves. Elle a donc imaginer une histoire basée sur cette absurdité : Effia vit confortablement au Fort aux côtés de son mari blanc sans savoir que sa demi-soeur Esi, dont elle connaît à peine l’existence, est enfermée en bas, dans les cachots, parmi tous les esclaves qui seront vendus en Amérique. Les descendants de ces deux femmes auront, évidemment, des destinées très différentes jusqu’à nos jours.

J’ai été déçue en découvrant que les personnages dont on fait la connaissance le temps d’un chapitre quittent ensuite l’histoire pour ne plus revenir autrement que par des évocations ou des souvenirs. Chacun d’eux aurait pu faire l’objet d’un roman à lui seul : No home parvient à faire comprendre à quel point chaque vie est passionnante… tout en n’en racontant qu’une infime partie. C’est terriblement frustrant, même si bien sûr ce procédé narratif a son propre intérêt.

Si au début il est évident que la descendance d’Effia est promise à un avenir meilleur que celle d’Esi, l’histoire nous démontre que nulle vie n’est à l’abri du hasard, qu’il soit heureux ou malheureux. Elle montre aussi que de moins en moins toléré, de plus en plus ténu, le racisme n’en reste pas moins une problématique toujours aussi actuelle, d’autant plus difficile à combattre qu’il est le plus souvent beaucoup plus subtil aujourd’hui qu’il y a un siècle ou deux.

 

"si nous allons étudier chez les Blancs, nous apprendrons seulement ce que les Blancs veulent que nous apprenions. Nous reviendrons pour construire le pays que les Blancs veulent que nous construisions. Un pays qui continuera à les servir. Nous ne serons jamais libres."

Des cases ghanéennes aux sombres immeubles de Harlem, de la découverte du cacao à l’émergence du jazz, Yaa Gyasi raconte une histoire du peuple noir trop souvent absente de nos livres d’histoire. Elle procède par flashes, par tranches de vies survolées, mais son roman n’en reste pas moins de grande ampleur. Je regrette cela dit de n’avoir pas pu pénétrer plus avant dans la vie de ses personnages... et d'avoir deviné la fin dès les premiers chapitres !

 

Camille Arthens

 

No home, par Yaa Gyasi - Calmann-Levy

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