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Des romans, encore des romans, toujours des romans.

Bouquinivore

Ma Dévotion

Ma Dévotion

Les sélections du prochain lauréat de L’Escale du Livre sont en cours ! D’ici février, j’ai 5 romans à lire et voterai pour le meilleur d’entre eux au sein de ma bibliothèque. Mon premier choix de lecture s’est porté sur le roman dont la couverture était la plus jolie : Ma dévotion, publié chez Le Rouergue et écrit par Julia Kerninon, jeune auteure de 4 ouvrages. Son premier ouvrage, Buvard, a obtenu en 2014 le prix Françoise Sagan.

J’en ai lu entre-temps 3 autres, parmi lesquels Frère d’Âme de David Diop (finaliste du Goncourt et autres prix), mais c’est bien Ma Dévotion qui garde pour le moment ma préférence.

La langue même de la narratrice, simple, rapide, presque neutre, rappelle celle de l’écrivain Franz Hessel, guettant la surface des événements pour y voir l’effet des lames de fond.

Marine Landrot pour Télérama

Dans Ma dévotion, le quatrième roman de ­Julia Kerninon, les phrases amples s’étirent, à tâtons. Elles grattent, jusqu’à rouvrir les cicatrices des blessures au fil desquelles Helen avait fait « l’apprentissage de la douleur » ; elles creusent encore et encore dans le temps et dans son cœur pour en excaver toute la vérité.

Zoé Courtois pour Le Monde

 

 

Indéfectible lien

 

Helen et Frank sont tous les deux enfants d’ambassadeurs, benjamins de fratries solitaires et malheureux. Quand ils se rencontrent au début de leur adolescence, ils deviennent rapidement le refuge l’un de l’autre et nouent une relation fusionnelle, entre amitié et attirance. Quand ils parviennent tous les deux à s’échapper de leurs vies sans joie pour aller étudier à Amsterdam, leurs rapports prennent peu à peu forme définitive : tandis que Frank reste des années oisif avant de découvrir la peinture qui le rendra célèbre, Helen le porte à bout de bras, menant de front ses études et l’entretien de leur foyer. A la fin de leur vie, alors qu’ils ne s’étaient plus revus depuis de nombreuses années, ils se rencontrent par hasard dans une rue de Londres et Helen saisit l’instant pour revenir sur cette relation profonde et ambivalente qui les a rapprochés pendant tant d’années, pour le meilleur et pour le pire.

 

Ce roman est une jolie découverte qui m’a donné envie de lire les autres romans de Julia Kerninon. Tout en humilité, en délicatesse, en psychologie, l’auteure déroule l’histoire d’une relation complexe entre un homme et une femme diamétralement opposés dans leurs caractères et leurs conceptions de la vie. Helen raconte l’histoire de son point de vue, telle qu’elle l’expose à Frank alors qu’ils viennent de se retrouver après des années de séparation. Modeste, bienveillante, attentive, elle a essayé toute sa vie de comprendre celui qui est devenu très vite “sa dévotion”, qu’elle a pris sous son aile comme un enfant et dont elle s’est occupé avec abnégation malgré son absence de reconnaissance, son égocentrisme et ses frasques diverses. Frank avait le charisme, l’humour, l’insouciance qu’elle n’avait pas. Elle avait le sérieux, la fiabilité, la constante qui lui étaient étrangers.

 

Je me suis d’autant plus sentie concernée par le personnage d'Helen qu’outre sa passion pour les livres, son comportement ressemble un peu au mien, calme, discret, sans histoires. Son indulgence et son sens du sacrifice sont parfois étonnants –  presque agaçants   mais font d’elle un personnage profondément humain et bouleversant. Les nombreuses années qui séparent la fin de sa vie commune avec Franck et leur rencontre dans une rue de Londres sont entièrement passées sous silence, comme si en dehors de cette relation profonde, complexe, parfois toxique, le reste de sa vie n’avait eu aucune importance.

 

La plume de Julia Kerninon est élégante, impressionniste et d’une justesse touchante. Elle décrit aussi bien les psychologies que les peintures de Franck, auxquelles elle fait d’ailleurs ressembler, je trouve, de nombreuses scènes de son livre. Voilà précisément tout le charme que j’ai trouvé à ce roman : plutôt que de laisser les scènes se bâtir dans mon imagination comme un film, j’ai visualisé la majorité de l’histoire comme une série de peintures, d’arrêts sur image dessinés par petites touches.

Vous l’aurez compris, je recommande ce roman délicat pour l’acuité de la plume de Julia Kerninon, que décidément j’ai très envie de connaître un peu mieux. A lire en écoutant du Chopin ou du Satie, avec un thé et autant de pâtisseries que vous voudrez.

 

 

Camille Arthens

 

Ma Dévotion, par Julia Kerninon - Le Rouergue

 

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