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Des romans, encore des romans, toujours des romans.

Bouquinivore

Frappe-toi le coeur

Frappe-toi le coeur

 

Considéré par nombre de lecteurs et de médias littéraires comme le meilleur roman d’Amélie Nothomb, Frappe-toi le coeur a fait beaucoup de bruit - à l’instar de ses prédécesseurs - à sa sortie en librairie en août 2017. Cette fois-ci, exit l’humour noir et les situations loufoques : dans ce roman sérieux sans être austère ni foncièrement triste, l’auteure manipule une idée, l’absence d’amour maternel.

Amélie Nothomb fait confiance à ses armes propres pour mener à bien ce roman - son vingt-cinquième en... vingt-cinq ans -, à ranger parmi ses meilleurs crus.

Télérama

Automatique, l’amour maternel ?

 

Marie est une femme sublime qui trouve son bonheur dans la jalousie des autres à son égard. À la naissance de sa fille aînée, Diane, elle se met aussitôt à la détester pour sa beauté, sa délicatesse et les attentions qu’elle suscite. L’enfant grandit profondément blessée par l’indifférence de sa mère, déterminée à ne pas devenir comme elle. Elle décide de devenir cardiologue et rencontre en fac de médecine celle qui revient rapidement son mentor, Olivia ; mais leur relation n’est peut-être pas aussi limpide que la jeune femme le pense… Aurait-elle trouvé quelqu’un d’encore plus toxique que sa mère ?

 

Il est très difficile de concevoir qu’un enfant puisse ne pas être aimé par sa mère quand nous-même n’avons jamais douté de l’affection de la nôtre. L’amour maternel est pour beaucoup une évidence, un dû, un sentiment automatique, pur et définitif qui s’active à la conception. Elles sont pourtant nombreuses, les mères sans amour, les mères jalouses, les mères qui se seraient bien passé de l’être. Plus nombreuses encore, les mères qui aiment mal, qui surcouvent, qui étouffent. Ces dérèglements, Amélie Nothomb les étudient dans son roman, d’autant plus intriguée par son sujet que sa propre mère l’aimait tendrement et sans démesure. Quelle sorte d’égoïsme ferme certaines mères à l’amour filial ?

 

Dans le cas de Marie, c’est la jalousie, son l’obsession d’être admirée et vénérée pour tous qui l’empêche d’aimer son enfant, trop charismatique, trop belle, trop intelligente. Diane, qui grandit en subissant l’indifférence de sa mère, s’emploie à ne jamais tomber dans l’écueil de la jalousie malgré la souffrance qu’elle endure. Alors qu’elle se lance corps et âme dans ses études de cardiologie, elle est confrontée à un autre type de souffrance lorsqu’elle découvre que sa professeure et amie Olivia, avec qui elle travaille nuit et jour depuis plusieurs années, a elle aussi une fille qu’elle n’aime pas… La jeune femme qui connaissait la haine maternelle découvre alors quelque chose de pire : le mépris d’une mère pour sa fille.

 

Après Poil de Carotte et Brasse-Bouillon, Amélie Nothomb a imaginé des victimes modernes du désamour maternel : le sujet n’est pas nouveau dans la littérature mais toujours aussi fascinant. En choisissant une plume concise, sobre et presque légère, l’auteure approche davantage son récit de la fable noire que de l’histoire vraie. Cette légèreté peut sembler dommageable au livre de prime abord mais permet en réalité une approche originale d’un sujet dramatique, sans excès de pathos ni digressions qui étouffent le récit.

J’avoue cela dit ne pas rejoindre l’enthousiasme général et garder une préférence pour d’autres romans d’Amélie Nothomb, plus piquants, plus drôles. Frappe-toi le coeur m’a intéressée et divertie, mais je n’en ai pas tiré autant de plaisir qu’à la lecture de Stupeurs et Tremblements, Métaphysique des tubes, Ni d’Eve ni d’Adam, Le fait du Prince, etc. Ce qui fait le génie des romans de cette auteure, ce que j’ai pris l’habitude d’y trouver à chaque fois, son ironie, son humour aristocratique, ses bizarreries, ses réflexions métaphysiques, égocentriques… tout cela m’a manqué, quand bien même ils n’auraient pas trouvé leur place dans ce nouveau récit. En réalité, je n’ai pas l’impression d’avoir lu un roman d’Amélie Nothomb. Cela n’en fait ni un mauvais roman, ni un roman bâteau, loin s’en faut, mais je m’étonne que tout le monde porte aux nues le récit sans doute le plus classique de celle qui nous a habitués aux Plectrude, aux Astrolabe et aux Saturnine !

Pour résumer – et conclure –, Frappe-toi le cœur est un roman étonnant parce que dépouillé des principales caractéristiques de la « plume nothombienne ». Si vous étiez férus des excentricités de l’auteure, ce roman-ci vous décevra peut-être ; si en revanche ses idées loufoques dehors commençaient à vous lasser, vous serez sans doute comblés par celui-ci !

 

 

Camille Arthens

 

Frappe-toi le coeur, par Amélie Nothomb - Albin Michel

 

 

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