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Des romans, encore des romans, toujours des romans.

Bouquinivore

Poupée volée

Poupée volée

Alors que chaque nouveau volume de L’Amie prodigieuse accapare les étals des librairies depuis plusieurs années, moi, honteuse retardataire, viens à peine de découvrir Elena Ferrante. Mea maxima culpa. Pour commencer en douceur, mon choix s’est porté sur un petit roman, Poupée volée, publié en 2006, 5 ans avant le premier tome de la fameuse saga. Il sort en Italie sous le titre La Figlia oscura (qui a mon sens aurait pu être bien mieux traduit), et en français en 2009 chez Gallimard, dans la collection “Du monde entier”.

Le roman raconte l’histoire de Leda, une femme tiraillée entre l’amour complexe qu’elle porte à ses filles depuis leur naissance et ses rêves de femme libre et ambitieuse.

On pourrait se dire que c’est très introspectif, que cela risque d’être ennuyeux, mais on dévore le livre. Le style de Ferrante, dans ce roman précédent la très illustre série, est comme une rampe de lancement. Tout y est.

Jacqueline Pétroz pour France Inter

Un roman intense, un superbe portrait de femme dont la voix blessée s'accorde au lancinant ressac des vagues.

André Clavel pour L’Express

 

De la difficulté d’être mère

 

Alors que ses filles Bianca et Marta sont parties vivre à l’autre bout du monde, Leda s’offre de longues vacances au soleil pour savourer sa solitude et sa liberté retrouvées. Alors qu’elle profite de ses longs après-midi de farniente au bord de la mer pour faire le point sur sa vie et son statut de mère, elle remarque près de son parasol une bruyante famille napolitaine, et en particulier une jeune maman et sa petite-fille dont le rapport fusionnel la fascine… jusqu'à ce que la mystérieuse disparition de la poupée de l’enfant ne gâche cette relation idyllique.

 

Ce roman brut renferme une histoire assez banale, réaliste et sans grandes péripéties, prétexte à une analyse assez poussée du rapport qu’entretient Leda avec ses filles. Leda observe les gens sur la plage et de cette observation découle des pensées, des réactions. Voilà, en somme, comment résumer le livre en deux lignes. Tout est centré sur l’introspection du personnage principal, qui se remémore peu à peu tout son passif de mère, la complexité de sa relation avec Bianca et Marta, le manque de logique de certaines réactions, ses erreurs, ses choix. Leda se reconstruit, en quelque sorte, après 25 ans à éduquer, porter, supporter ses enfants - à moins que cette liberté nouvelle ne soit qu’une illusion, un masque à son manque ?

 

Rien n’est simple dans ce rapport mère-filles. Rien n’est manichéen. Sans doute est-ce d’ailleurs ce qui rend le livre si déconcertant, voire dérangeant. Leda, qui est aussi la narratrice du livre, dévoile ses moindres pensées comme si elle racontait sa vie à un intime. Tout y est, y compris le moins dicible - ses réactions excessives et violentes vis-à-vis de ses filles encore petites, ses désirs de fuite, sa disparition volontaire pendant trois ans...

 

Très vite, le lecteur sait que Leda est responsable de la disparition de la poupée. Pourquoi ce vol ? La réponse n’est pas claire, ni pour elle ni pour nous. Est-ce de la jalousie face au tableau enchanteur d’une harmonie mère-fille que Leda n’est jamais parvenue à créer avec les siennes ? Le dépit de découvrir à quel point son propre rapport à ses filles est pétri de ressentiment, de défiance et de malentendus ? Ou simplement le réflexe puéril, la petite provocation d’une femme qui se sent seule et cherche à combler le manque ? Quoiqu'il en soit, les jours passent et Leda s'enlise dans un mensonge étrange, et ce qui n'était au début qu'un acte irréfléchi devient une situation absurde, gênante.

 

Elena Ferrante s’est attaquée dans ce livre à un sujet universel qui avait tout pour me plaire ; et pourtant, je suis passée à côté de ce livre pour plusieurs raisons. D’abord, j’ai trouvé le cadre de l’histoire trop banal - la plage et le centre d’une station balnéaire sous le soleil d’août. Ensuite, l’introspection de Leda finit par lasser ; je suis globalement très portée sur les récits psychologiques, mais celui-là ne m’a pas particulièrement accrochée. Certains passages sont intrigants, mais quelque chose m’a manqué. L’histoire manque de matière, de richesse et d’explications. À attendre indéfiniment que l’histoire “décolle”, je suis restée sur ma faim, aussi perplexe en refermant le livre qu’avant de l’ouvrir.

 

Enfin, il m’a été très difficile de m’identifier au personnage de Leda que j’ai trouvé autocentré, égoïste, difficilement cernable et souvent exaspérant. Peut-être aurais-je mieux compris le livre si j’étais maman moi-même…

 

Camille Arthens

 

Poupée volée, par Elena Ferrante - Gallimard

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